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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/107

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elle rêvait d’épouser un officier, capitaine au bas mot, jeune, riche, cavalier accompli toujours, et décoré.

Le soir en revenant, M. Masfrangeas demanda à sa fille des nouvelles de mes débuts : — Pitoyables ! dit-elle ; non seulement il ne sait ni polker, ni valser, mais il ignore même à peu près le simple quadrille ; c’est inimaginable !

— Comment ! fit M. Masfrangeas en faisant semblant de partager l’indignation de sa fille ! malheureux ! tu ne sais pas danser ! Il te faut bien vite aller trouver ton voisin d’en face, le petit père Paravel, dont tu dois entendre le violon de chez toi ; il t’apprendra.

Cette soirée coupa court à mes visées, à mes rêves amoureux sur Mlle Lydia. Ma mère serra tout mon habillement dans un tiroir de la commode et je ne l’ai plus remis.

Je passerai vite sur les années qui suivent, années qui me semblèrent longues dans leur monotonie uniforme, car je n’y vois rien qui mérite d’être rapporté. L’année 1848 approchait cependant, et comme j’étais né le surlendemain de la Noël, en 1827, au commencement de l’année je tirai au sort et j’amenai un mauvais numéro, ce qui m’était égal, d’ailleurs, puisque j’étais fils unique de veuve.

Et la Révolution était là. Lorsque la nouvelle arriva à Périgueux, de la journée du vingt-deux février, toute la ville fut agitée, comme bien on pense. Mon oncle se trouvait ce jour-là à Périgueux, et il se frottait les mains : Ça marche, disait-il, il y a des barricades à Paris, le vieux farceur va déguerpir. Le soir il repartit pour le Frau, en me recommandant de lui faire passer les nouvelles.

Tous les jours, sur la place du Triangle, une grande foule de monde attendait l’arrivée du briska qui apportait les dépêches. J’avais comme les autres