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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/132

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saient sous les cendres chaudes pour les dégraisser.

Oui, et les encriers étaient toujours de petits pots de terre dans lesquels on mettait une mèche de coton qui buvait l’encre, et que l’on mouillait avec du vinaigre lorsque ça commençait à sécher.

C’était étonnant vraiment. Il faisait toujours faire la lecture dans le Télémaque. Ce livre m’avait beaucoup intrigué quand j’étais tout petit ; je me demandais ce que pouvaient être cette terrible passion qui rendait Calypso si malheureuse, et ces feux qui faisaient brûler le fils d’Ulysse pour la jeune Eucharis. Depuis, je me suis pensé qu’on aurait peut-être trouvé mauvais la peinture de ces amours qui éveillaient l’imagination des enfants, si le livre eût été fait par un écrivain ordinaire ; mais le nom d’un archevêque, de Fénelon, faisait qu’on trouvait ce livre très bien et tout à fait convenable pour apprendre à lire aux enfants.

Je quittai ce bon M. Lamothe, après avoir causé un moment, et procuré une demi-heure de liberté à ses élèves.

En sortant de là, je m’arrêtai devant un Auvergnat installé à l’ombre de l’ormeau, et qui étamait les casseroles du Lion d’Or. J’ai toujours aimé à voir faire ce travail : étant petit j’y aurais passé des journées.

Cet homme ne parlait pas le fouchtra comme ses pays. Je le lui dis et il se mit à rire :

— C’est que, voyez-vous, j’ai étudié pour être curé, mais au dernier moment, l’idée me vint de me marier avec une cousine.

— Et vous vous êtes fait rétameur ?

— Hé oui, il faut bien prendre un métier, et vous savez, chez nous, il n’y a pas bien à choisir pour les cadets ; nous étamons les âmes ou les casseroles, nous ramonons les cheminées ou les consciences : Ha ! ha ! ha !