Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/134

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par la fenêtre, le mur du jardin où pendant plus d’un an, j’allais me coucher au soleil quand les frissons des fièvres me prenaient. C’était une chose bien commune autrefois que ces fièvres, et on rencontrait par nos pays, force gens minés par cette maladie. Aujourd’hui, elles sont assez rares, bonne preuve que les gens sont mieux logés, mieux habillés et mieux nourris : la mère des fièvres dans nos pays qui ne sont pas malsains, c’est la misère.

Nous n’étions que quatre à table, ma tante, mon cousin, ma petite cousine Félicie, qui avait sept ans, et moi. Mon oncle et mon cousin l’aîné étaient en voyage dans le Limousin, et ils ne revinrent que deux jours avant la foire. Ils ne se tenaient guère à la maison, étant toujours en route pour leur commerce ; allant aux foires de Limoges, de Pompadour, de Saint-Yrieix, de Juillac, de Ségur, acheter des veaux qu’ils venaient revendre dans les foires de Thenon, d’Excideuil, d’Hautefort, de Badefols, de Terrasson ; et des fois à la Sainte-Catherne, à Montignac.

La foire ne fut pas des meilleures, j’en ai vu de plus belles, mais tout de même il y avait du bétail. Les bœufs de harnais et les veaux de corde ne manquaient pas. Dans le foirail tout se touchait, on aurait jeté une pièce de cent sous des terrasses du château, qu’elle ne serait pas tombée par terre. Dans l’allée des chevaux, il n’y avait, comme de coutume, que quelques rosses et de mauvaises bourriques. Sur la place des cochons, au-dessous du pont et des murailles du château, il y avait assez de nourrains qui se vendaient passablement ; et à l’arrivée du bourg du côté de Saint-Agnan, près de la Grange-Neuve, il y avait des troupeaux de dindons avec des fils de laine bleus, ou blancs, ou rouges, à leur cou, pour les reconnaître chacun les siens, vu qu’il n’y a rien qui ressemble tant à un dindon qu’un autre dindon.