Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/190

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Tout en caquetant, nous cheminions bon train et bientôt nous arrivâmes au gué du moulin dont je ne me rappelle plus le nom. Ayant passé l’eau, nous piquâmes droit sur Coulaures, en passant par Fosse-Landry.

Il était sur le coup de trois heures et demie lorsque nous arrivâmes au Frau. Aussitôt les bêtes débridées, je leur donnai du foin, et mon oncle arriva.

— Salut, dit-il, en donnant une poignée de main à Labrugère ; je suis content de vous voir, car ce pauvre Gustou se tourmente fort de la crainte que mon neveu ne vous ait pas trouvé. À présent qu’il a ouï les pas des bêtes il doit être plus tranquille.

Nous montâmes de suite à la maison, où nous avions mis Gustou, au lieu de le porter dans sa chambre du moulin, afin d’avoir plus de commodité pour le soigner.

— Voulez-vous boire un coup avant de le voir ? dit mon oncle à Labrugère, quand nous fûmes dans la cuisine.

— Merci, non ; après, je ne dis pas.

En entrant dans la chambre, Labrugère posa son chapeau sur une chaise, et puis s’approcha du lit de Gustou.

— Ah ! ah ! c’est vous qui avez fait cette bêtise ?

— Eh ! oui ! fit piteusement Gustou.

— N’ayez crainte, nous allons arranger ça.

Et, soulevant doucement le pauvre Gustou, il nous lui fit ôter sa chemise, pour mettre l’épaule à nu. Puis il le plaça à moitié couché sur le coussin de manière à le dégager du lit. Après cela, il prit le bras de la main gauche et l’éleva en l’air, tandis que de sa main droite il tâtait l’épaule. Ses doigts nerveux, écartés, s’enfonçaient dans la chair, comme des instruments de fer. Il les relevait, les renfonçait, les rapprochait, écartait de nouveau, comme qui joue de la vielle, et pressait fortement en de certains endroits.