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V


Le démanchement de l’épaule de Gustou nous avait un peu retardés pour les foins, de manière que la dernière charretée ne fut rentrée qu’à la mi-juillet. Quand ce fut fait, je dis à mon oncle, voir s’il n’était pas temps de penser à la noce. Mais il me dit qu’il valait mieux laisser passer le temps des métives et celui des battaisons, parce que c’était un moment où tout le monde était bien occupé, et que plusieurs de nos parents et amis ne pourraient pas venir, rapport à ça. Il ajouta que par ainsi, il valait mieux remettre la noce après les vendanges, lorsqu’on aurait écoulé et qu’il y aurait du bon vin nouveau, d’autant mieux que notre dernière barrique qui n’était pas encore en perce, était un peu piquée.

Je convenais bien que c’était de bonnes raisons, mais ça ne fait rien, c’était encore trois mois à attendre, et je trouvais que c’était bien loin. Va, me dit mon oncle, c’est votre meilleur temps, c’est celui où on ne voit que les fleurs, et où tout rit aux amoureux. Quand il s’agit, vois-tu, de s’attacher pour la vie ça n’est pas une mauvaise chose de se bien connaître auparavant, de s’éprouver un peu, et de se montrer qu’on a une amitié solide qui se bonifie en vieillissant comme le vin.