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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/209

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grise. Nous attendions sans parler ni bouger. On entendait un loup hurler du côté de la Forêt-Vieille, et vers le Temple, des renards chassaient en jappant clair sur la voie d’un lièvre, comme des labris. Au loin, les gens de Rouledie et de Brétenoux, faisaient un bruit du diable avec des peyroles ou chaudrons, des bassins et des cornes, pour garder leurs raves et leurs blés d’Espagne. Autour de nous, un rat rongeait une châtaigne dans son trou, et de temps en temps un hérisson jetait son petit cri aigu dans le taillis voisin. Quelquefois nous entendions dans les bois prochains de légers bruits : un lièvre traversant le fourré, ou un taisson sorti de son terrier. Il y avait trois heures et plus que nous étions là, quand à un moment, nous entendons assez loin sur notre droite, un grand bruit de branches pliées qui allait se rapprochant. Mon cousin me toucha le coude, et tout d’un coup cinq ou six sangliers sortirent du bois en trottant. Seulement ils étaient trop loin à l’autre bout de la terre, et il fallait attendre qu’ils fussent plus près. En attendant, nous les regardions faire ; avec quelques coups de nez, ils arrachaient une rave et la dévoraient en grognant. Petit à petit, ils approchaient et allaient être à bonne portée ; malheureusement le vent avait tourné et nous l’avions dans le dos, de manière qu’à un moment donné le porc qui était devant, leva le nez en l’air de notre côté, grogna quelque chose aux autres, car ils firent comme lui, et coup sec tournèrent tête sur queue au galop. À tout hasard, je leur envoyai mon coup de fusil au moment où ils allaient rentrer dans le bois.

— C’est de la poudre perdue, dit mon cousin ; à cette distance, tu n’y ferais rien ; ça porte bien une balle, ces bêtes-là.

Nous revînmes à la cabane, en passant par les fourneaux, où Marsaudou était de garde. C’était un brave homme, je le crois, car mon cousin le disait ;