Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/219

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me marier sans ça, eh bien, je me contenterai du maire.

— Alors, tu ne seras pas marié ; tu vivras tout simplement en concubinage !

La moutarde me monta au nez, comme on dit, et je ripostai vivement :

— Je ne serai pas le seul dans la paroisse ! Vous savez bien que je pourrais en nommer qui vivent comme ça, pas sans curé si vous voulez d’une manière, mais sans maire et sans contrat !

Le curé comprit, resta coi un instant et me quitta en disant :

— Tu as tort de ne pas m’écouter, grand tort.

Je ne sais pas trop au juste ce qui le décida, mais deux jours après il s’arrangea pour rencontrer mon oncle, et lui dit que pour éviter de scandaliser les âmes pieuses, et pour que sa paroisse ne donnât pas l’exemple d’un mariage : laïque, comme il dit, il me marierait tout de même sans confession ; que ce qu’il en faisait c’était pour éviter un plus grand mal ; mais qu’il ne fallait dire mot de tout ça à quiconque. Peut-être bien que sa raison y était pour quelque chose, mais le diable ne m’ôterait pas de l’idée qu’il avait peur aussi de voir mettre au jour ce qu’avait dit Ragot, touchant sa prétendue nièce.

Cette affaire m’avait un peu tracassé, surtout à cause des chagrins que ça aurait pu donner à Nancy ; aussi, lorsque le curé se fut décidé, je fus content. Les derniers jours, je ne la quittais plus, et je me complaisais à la voir arranger ses petites affaires bien en ordre. Nous parlions de ce que nous ferions lorsque nous serions mariés, et de la manière qu’elle tiendrait la maison et comme nous serions heureux au Frau, avec mon oncle qui était si bon homme. Je l’embrassais tant que je pouvais, et elle me donnait ses joues en riant ; mais elle ajoutait qu’il fallait être sage et ne pas y revenir à chaque instant. Ça n’était