Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/232

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— Il me semble qu’en buvant cette eau-de-vie faite par mon grand-père et conservée avec soin par mon père, nos anciens qui sont morts se joignent à nous en ce moment, pour boire à la santé de leurs enfants.

Et une dernière fois, après avoir trinqué et bu à notre santé, tout le monde suivit M. Masfrangeas qui s’était levé, et nous fûmes nous promener le long de la rivière, ce qui ne faisait pas de mal après être restés à table cinq heures d’horloge.

Le soir, la jeunesse parla de danser et on monta dans la grande chambre, où je dansai la première contredanse avec ma femme et les contre-nôvis. Puis après, tous les jeunes gens voulaient danser avec Nancy, soit une bourrée ou une sautière, et il fallut qu’elle les contentât par honnêteté. Tandis que nous étions là, mon oncle vint à la porte et me cligna de l’œil. Je sortis et il me dit alors d’aller au jardin, où la servante de Puygolfier voulait me parler.

J’y allai, et la grande Mïette me dit que la demoiselle Ponsie me faisait dire que si nous voulions monter, de peur d’être tracassés, elle nous avait préparé une chambre, et que M. Silain n’y était pas.

Malgré ça, quoiqu’il n’y fût pas, ça m’aurait gêné de coucher sous son toit, et Nancy encore plus, depuis ce qui s’était passé entre nous dans les bois-châtaigniers. Je fis donner le merci à la demoiselle, en lui disant que nous nous étions précautionnés de ce côté-là.

Étant rentré dans la chambre, je dansai encore avec ma cousine de Brantôme, et sur les dix heures, je sortis en disant que j’allais faire faire un vin à la française. Au bout d’un moment, Nancy vint me rejoindre derrière le mur du jardin ; je lui mis son châle sur les épaules, car il faisait frais, et la prenant par le bras, nous nous en allâmes vers le Taboury, à travers les bois.

Quel heureux moment que celui où nous fûmes