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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/245

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était capable de venir m’assommer à coups de crosse si je bougeais. Mais n’entendant rien et ne me voyant pas remuer, il crut m’avoir tué et reprit sa course.

Quand je fus bien sûr qu’il était loin, je voulus me relever, mais les plombs m’étaient entrés dans les reins et dans les cuisses, et j’eus du mal à me mettre sur mes jambes, tant je souffrais. Une fois debout, je repris mon chemin en m’aidant de mon bâton, marchant pas à pas. Je sentais que je n’avais rien de cassé ni rien d’abîmé dans la carcasse, et ça me faisait prendre courage. Il me fallut tout de même une demi-heure, pour aller jusqu’à la Côte, et quand je fus là, les gens me firent boire un coup et deux hommes me soutenant chacun sous un bras me menèrent jusqu’au Frau. Quand ma pauvre femme, bien inquiète déjà de ce que j’étais anuité, me vit dans cet état, elle jeta un grand cri et me prit dans ses bras, tandis que mon oncle et Gustou accouraient bien vite. On m’assit près du feu, et on m’ôta mon havresac qui était plein de gros plomb de loup. Gustou partit de suite pour aller chercher le médecin de Savignac. En attendant, on me mit au lit, et je m’endormis, après avoir conté comment l’affaire était arrivée. Mais je ne dis pas que c’était ce scélérat de maréchal, parce que ça aurait encore fait plus de peine à ma femme, de penser que c’était à cause d’elle que j’avais attrapé ça.

Le médecin vint le lendemain, me tira une dizaine de plombs, et me dit que j’avais eu de la chance d’avoir mon havresac avec quelque chose dedans, qui avait amorti le coup, parce que si j’avais reçu toute la charge dans le corps, j’étais un homme mort.

Aussitôt qu’il fut sûr qu’il n’y avait pas de danger, mon oncle prit la jument et s’en fut à Thiviers parler aux gendarmes, puisque c’était dans leur renvers que l’affaire était arrivée. Le brigadier monta à cheval