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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/247

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semble qu’on aurait pu le trouver, mais enfin on ne le trouva pas.

Au reste, il faut dire qu’en ce temps-là les gens ne tenaient pas beaucoup à témoigner en justice, et se cachaient, parce que c’était chose toujours pleine de dérangements et d’ennuis ; sans compter que les avocats ne se gênaient pas bien, pour supposer de vilains motifs aux témoignages de ceux qui chargeaient leurs clients, et pour leur chercher, comme on dit, les poux dans la tête : on m’a assuré que ça arrivait encore quelquefois.

Moi, j’en fus quitte pour quelques jours de lit, et quinze jours de repos, après quoi je repris mon travail et mes habitudes. Mais il me faut dire ici que les soins de ma femme, et sa manière de bien faire, et l’affection qu’elle me montra dans cet accident, faisaient que je ne regrettais pas trop mon coup de fusil.

Environ dans les deux ou trois mois après, Nancy me dit un jour qu’elle croyait être enceinte, ce qui me fit grand plaisir, car nous autres paysans nous ne faisons pas comme des gens de la ville qu’il y a, qui vous disent tout sans façons qu’ils ne veulent pas d’enfants. Au contraire, il nous semble qu’un mariage n’est bien et totalement fait et consommé que lorsqu’il a produit des fruits. Je fus donc, comme je disais, bien content, et mon contentement allait en augmentant, comme la taille de ma femme. Je voyais faire les drapes, les bourrasses, les maillots, les bonnettous, pour ce petit être qui allait venir, avec un plaisir grand qui me faisait faire l’imbécile : c’était la première fois, il faut m’excuser.

Les nouveaux mariés ne sont pas toujours d’accord, pour désirer soit un garçon, soit une fille ; mais ma femme et moi nous étions du même avis ; c’est un garçon que nous autres voulions.

Le jour arrivé qu’elle sentit les douleurs, c’était au mois d’octobre 1850, le 25. On envoya chercher une