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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/270

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— Vous, vous allez nous foutre le camp de là !

— La route est à tout le monde, j’ai le droit d’y marcher, et j’y marcherai !

Ils s’arrêtèrent.

— Vous savez, dit l’un en fouillant dans sa fonte, si vous faites le méchant, nous avons une autre paire de bracelets !

— Hélie ! dit mon oncle, songe à ta femme… à la maison : reste en arrière.

Je m’arrêtai sans rien dire, et je suivis à vingt pas.

Quel voyage ! Encore aujourd’hui, je n’y pense pas sans colère.

La prison étant presque à l’entrée de la ville, sur Tourny, nous ne vîmes guère personne en arrivant ; il faisait froid ; ce n’était pas le temps de se promener. Les gendarmes s’arrêtèrent à la porte, et le guichetier étant venu, ils lui dirent :

— Voilà du gibier !

Et l’autre ricana.

— Ha ! ha ! ça donne depuis deux jours !

Nous nous embrassâmes bien fort, mon oncle et moi ; il prit son paquet et suivit un geôlier, après quoi la lourde porte se referma.

Après avoir mis ma bête à l’écurie, je m’en fus vite pour voir M. Masfrangeas. J’entrai dans mon ancien bureau, où on me dit qu’il venait d’être appelé par le secrétaire général.

J’attendis un quart d’heure dans le corridor, puis je le vis venir.

— Mon oncle est arrêté !

— Que me dis-tu là !

— On vient de le fermer en prison.

— Attends-moi une minute, il faut que je sorte, je prends mon chapeau.

Quand nous fûmes dehors, je contai à M. Masfrangeas tout ce qui s’était passé.