Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/321

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fait. En ce qui me regarde en particulier, je n’avais point à me plaindre de ce côté, car ma femme faisait comme nous, et avait laissé là, depuis notre mariage, toutes les pratiques auxquelles elle avait été habituée. Dans les commencements ça paraissait fort aux gens de chez nous. Qu’un homme ne fasse pas ses Pâques, encore ils le comprenaient à toute force ; mais une femme, jamais on n’avait vu ça. Dans les commencements ça faisait aller les langues ; mais quand on vit comment cette même femme gouvernait sagement sa maison, ses enfants et elle-même, et quand elle eut fait connaître dans plusieurs occasions, combien elle était bonne et pitoyable pour les malheureux, les langues se turent.

En voilà bien long, mais il me fallait expliquer dans quelles dispositions nous étions, lorsque vint le curé. Il avait un peu chaud en entrant, et ma femme lui présenta une chaise pour se tourner vers le feu ; mais il remercia, disant qu’il ne faisait point attention à ces choses, qui n’en valaient pas la peine.

Mon oncle lui répondit que la santé n’était pas peu de chose, et que nous autres, ne trouvions pas mauvais de prendre quelques précautions pour la conserver.

Après ça, nous lui offrîmes de se rafraîchir, de prendre quelque chose, mais il refusa tout : vin, eau, pineau, eau-de-vie, eau de noix, disant qu’il ne prenait jamais rien.

— À votre volonté, lui dit mon oncle ; mais vous serez le premier homme qui sera entré ici, sans choquer de verre avec nous.

Je ne sais si, de l’appeler homme, ça lui déplut, ou l’idée de trinquer avec nous, mais il répliqua un peu hautement :

— Un prêtre n’est pas un homme comme un autre ; je suis venu pour autre chose que boire.

Et il commença à nous entreprendre sur le chapi-