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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/347

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il disait cette raison dans le conseil, le vieux Roumy, qui en était toujours, lui répondit :

— Ça ne sera pas un malheur, au contraire, parce qu’alors les travailleurs de terre seront tous propriétaires, et ne travailleront plus pour les autres.

Mais, malgré sa mauvaise volonté, il lui fallut faire comme dans les autres communes : on acheta une grande baraque de maison dans le bourg, et on y mit le régent après qu’on l’eut un peu radoubée.

Ça fait que nos garçons allaient en classe tous les jours, ceux qui étaient en âge. Mais pour Nancette, c’était toujours la demoiselle Ponsie qui lui montrait. Les droles apprenaient assez, mais pour être de ceux qui sont toujours devant les autres, ils n’en étaient point, ayant toujours en tête leurs amusements : pécher, attraper des oiseaux, monter sur la jument, grimper sur les arbres, courir dans les bois, se baigner l’été : ils étaient fous de liberté et ne restaient pas facilement assis.

Je ne me faisais pas de mauvais sang de les voir à peu près dans le milieu, au rang de ceux dont on ne dit rien. Les enfants extraordinaires pour travailler et apprendre, ça fait plaisir aux parents, à ce qu’on dit, mais pour moi, ils me font l’effet de quelque chose de pas naturel, comme qui dirait un octogénaire amoureux, et je me demande quand est-ce qu’ils seront enfants : si ça doit être plus tard, il vaut mieux qu’il le soient en bas âge. Et ce qui m’a maintenu dans cette manière de voir, c’est que celui qui était toujours le premier, dans le temps que j’allais en classe, et qui avait tous les prix, et qui aimait tant le travail qu’il en oubliait de s’amuser, s’est bien rattrapé depuis. Il est devenu le plus fameux bambocheur qu’il y ait à Périgueux, et, au bout du compte, une fois entré dans la vie, pas plus fort qu’un autre.

Mais si mes enfants n’étaient pas des plus habiles pour l’instruction, je pense qu’il n’y en avait pas,