Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/400

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oncle était plus sec que M. Masfrangeas, et ses cheveux n’étaient pas aussi blancs, ni sa barbe, qui était grise seulement. Il était plus leste aussi, car M. Masfrangeas, qui était un peu pesant, se tenait encore mieux assis, surtout à table, que dehors à courir.

La noce fut bien jolie ; avec çà je ne sais pas si c’est parce que je m’y trouvais pour mon compte, mais il me semblait que la mienne avait été plus joyeuse. C’est bien vrai que depuis cette époque, il nous est tombé de grands malheurs sur la tête, et on a beau être dans les fêtes, il n’est pas possible de les oublier, et ça n’est pas désirable non plus.

Pourtant Gustou chanta sa chanson, la chanson de la Mie, bien ancienne, je crois, vu qu’il y est question de la grande tour d’Auberoche, qui est écrasée il y a belle lune, depuis les grandes guerres des Anglais.

Le pauvre Gustou, ce fut la dernière fois qu’il chanta, car il mourut vers Pâques fleuries, après avoir traîné quelque temps dans le coin du feu. Il y avait déjà plusieurs années, qu’il ne faisait plus rien qu’amuser nos plus jeunes droles. Il avait toujours dit qu’il était de l’âge de mon oncle, je ne sais pas pourquoi, peut-être qu’il le croyait, mais ce qui est sûr, c’est qu’il avait sept ans de plus.

Au mois d’avril suivant, ma fille Nancette eut un beau drole, et je me trouvai tout étonné d’être grand-père, car je n’avais lors que quarante-sept ans, et je n’avais pas un cheveu blanc. Je dis que ça m’étonnait, parce que je me trouvais jeune encore, et parce que j’avais vu mon grand-père déjà chenu, et que je m’étais accoutumé à penser, comme je crois tous les enfants, que les grands-pères ont de toute force les cheveux blancs et l’échine courbée.

Ma femme resta huit jours à la Fayardie pour les couches de sa fille, et nous la trouvâmes tous à dire ; d’abord, parce qu’il y avait au moins dix ans qu’elle