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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/404

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de plaisir Fournier acheter le château et le morceau de bien qui était autour. D’un côté, j’étais content qu’il eût tiré la demoiselle de peine, mais de l’autre, je craignais qu’elle morte, il ne fit comme tant d’autres fils de paysans enrichis, et qu’il ne voulût faire le Monsieur de Puygolfier. Ça m’aurait mortifié beaucoup, d’avoir des petits-enfants, qui, naissant au château, se seraient peut-être figurés qu’ils sortaient de la cuisse de messieurs, et auraient, possible, méprisé mes autres petits-enfants du moulin. Supposé que ça aurait été trop nouveau pour mes petits enfants, ça aurait été peut-être mes arrière-petits-enfants. Ces choses se voient tous les jours ; il ne manque pas de petits-fils de meuniers, établis dans le château où leur grand-père portait la farine. Si encore ayant fait fortune, ils ne faisaient pas des embarras, passe ; mais c’est comme une maladie, tout de suite ils cherchent à se faufiler dans la noblesse, et ils y réussissent. Et ce n’est pas seulement les meuniers qui font ainsi, mais tous ceux qui s’enrichissent dans le commerce, ou dans les forges, comme M. Lacaud, soit-disant du Sablou, ou ailleurs.

Quand je vois de ces :

parvenus entés sur les nobles,

faire leurs messieurs de la haute, et le diable sait s’il y en a ! j’ai toujours envie de leur crier :

Touche ton âne mon Coulou !

Pour en revenir, j’avais bien raison en général, mais j’avais tort en ce qui était de mon gendre. Mon oncle à qui j’en parlais un jour, me dit qu’il n’y avait pas à craindre cette affaire ; que celui qui avait quitté son état pour le motif que nous savions, et qui avait épousé une fille sans fortune par rapport à lui, n’était pas homme à agir par gloriole.

Et en effet, Fournier ne quitta pas sa maison, qui, de vrai, n’était pas dans une aussi belle position que