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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/409

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çons cherchent une position, les filles se marient. Depuis que le monde est monde, ça marche comme ça : il ne faut pas te faire de la peine de ce qu’il va au régiment ; au jour d’aujourd’hui les soldats ne sont pas malheureux.

Trois ou quatre jours après le tirage, Bernard nous dit qu’il avait envie de devancer l’appel pour choisir son régiment. Puisqu’il était forcé qu’il partît, nous trouvions qu’il avait raison, et alors il alla dans le régiment qui était à Limoges, où il avait un de ses camarades du collège.

Quelques mois après son départ, je trouvai M. Vigier un jeudi à Excideuil, comme il sortait de porter des actes à l’enregistrement, et il m’engagea à prendre une demi-tasse. Tout en buvant le café, il me dit :

— Ah ça, qu’est-ce que vous faites de votre aîné, est-ce que vous ne pensez pas à le marier ?

— Si bien, que je lui réponds, mais pour se marier, il faut être deux, comme vous savez, et je crois qu’il n’a d’idée sur aucune fille.

— C’est tant mieux. Écoutez-moi, je sais une fille qui a bien, du côté de sa défunte mère, une dizaine de mille francs, et qui, du côté de son père, en aura bien trois ou quatre. Ils sont deux enfants dans la même maison ; la fille est la cadette. C’est une bonne drole, pas jolie si vous voulez, mais bien plaisante ; et puis élevée en bonne campagnarde : chez elle sont tout à fait de braves gens ; qu’est-ce que vous dites de ça ?

— Je dis que pour la position, ça nous irait assez ; mais il faudrait aussi que la fille convint au drole, ou pour mieux dire qu’ils se convinssent tous deux.

— Écoutez, me dit M. Vigier, venez avec lui le jour de notre ballade, le premier dimanche d’août, la petite y sera et il la verra ; si elle lui convient, alors nous en parlerons plus amplement.

Le jour de la vôte donc, nous fûmes tous deux