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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/442

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qu’ils appellent d’un nom anglais, comme si on ne pouvait pas le baptiser en français.

De même avant qu’il y eût des routes et des voitures publiques, ceux qui s’en allaient à cheval ou de pied n’en sentaient pas la privation. On a augmenté beaucoup, et trop selon mon petit jugement, les jouissances, les plaisirs, les satisfactions de luxe, mais on n’a pas ajouté un fétu à notre bonheur. Toutes les commodités, toutes les facilités que nous avons de faire ceci ou ça, ne font que nous en dégoûter de bonne heure, parce que ce qui ne coûte aucune peine finit par ne donner aucun plaisir.

Mais en voilà assez là-dessus, les longs prêches sont ennuyeux.

D’après tout ce que je viens de dire, on voit que je n’ai pas eu à me plaindre du sort, ni pour les miens ni pour moi, et que nos affaires domestiques ont marché à peu près. Depuis le procès avec Pasquetou, nous n’avons eu d’affaire avec personne, et pour ce qui est des médecins, nous ne les avons jamais fait travailler depuis mon coup de fusil. Quand nous étions fatigués les uns ou les autres, nous restions au lit attendant que ça passât, et en fait de remèdes nous faisions une trempette avec du bon vin. Maintenant notre famille croît et augmente à force. Pour en finir là-dessus, j’ai en ce moment déjà neuf petits-enfants et d’après les apparences, l’année qui vient j’en aurai douze, et ça me réjouit le cœur : qu’est-ce qu’on veut de mieux ?

Pour ce qui est des affaires publiques, nous avons eu des traverses pas mal, et la politique nous a fait passer de mauvais moments quelquefois. Les gens du Deux-Décembre et ceux du Seize-Mai ont grêlé ferme sur notre persil, mais maintenant que la République est solidement plantée et qu’elle pousse ses racines jusqu’au plus profond de la terre française, tout est oublié.