Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/92

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jeunesse et sa fraîcheur semblaient comme une fleur venue sur un terreau noir, et ses cheveux avaient des reflets dorés qui éclairaient le grenier un peu sombre. Je restai là, à la regarder sans rien dire.

— Descendons, dit-elle en me réveillant.

L’après-dînée se passa pour elle en occupations diverses, mais la seule mienne était de me prêter à tout ce qu’elle voulait, soit qu’il s’agit de tenir son écheveau, ou de porter le panier à la grenaille pour aller donner aux pigeons. Elle me mena au verger où était le rucher, en me recommandant de ne pas courir, de ne pas faire de grands gestes, et de me tenir coi près d’elle. Les mouches à miel vinrent à notre rencontre, et, me voyant en sa compagnie, ne me firent rien, tant ces petites bêtes ont de la connaissance. Pour elle, elle les maniait sans crainte, les prenant sur ses mains au sortir de la ruche, et celles qui volaient, se posaient sur sa tête et sur ses épaules, comme des oiseaux apprivoisés.

Je m’en fus, ce jour-là, avant le retour de M. Silain, et je ne revins pas à Puygolfier le lendemain. Je m’en allai courir dans les bois, ruminant mes pensées, et de cette affaire-là, je manquai un lièvre que la Finette me ramenait au poste des Trois-Bornes.

Le jour suivant était un dimanche, et, comme ce jour-là je n’allais pas à Puygolfier, la demoiselle étant au bourg pour les offices, je voulus essayer de me revancher. À l’Angélus, je partis avec la Finette, mon fusil sur l’épaule, après avoir bu un coup. Le temps allait bien, c’était un plaisir ; les dernières brumes de la nuit s’enlevaient dans les fonds, l’air était clair, la terre fraîche et point guère de rosée. En cheminant tout doucement tandis que la chienne donnait des coups de nez de çà, de là, cherchant une voie, dans les passages des haies, dans les cafourches, dans les coulées sous taillis, je respirais avec