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Page:Eugène Le Roy - Le Moulin du Frau.djvu/99

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jamais pu m’habituer. Il y avait trois employés déjà arrivés : deux jeunes, et un vieux qui avait des manches de cotonnade noire par-dessus celles de son paletot. M. Masfrangeas me mit à une table où il n’y avait personne, et dit au vieux employé ce qu’il fallait me donner à faire. Celui-ci apporta des états pleins de colonnes de chiffres, qu’il s’agissait de copier. Après m’avoir fait donner devant lui toutes les explications nécessaires et m’avoir recommandé au vieux, M. Masfrangeas s’en alla dans son bureau qui communiquait avec celui-ci.

Lorsque la porte fut refermée, les deux jeunes gens vinrent près de moi, et me firent diverses questions auxquelles je répondis de mon mieux. Ils ne me laissèrent pas ignorer que la Préfecture était une sale boîte où il n’y avait rien à espérer pour un jeune homme. Sur ces entrefaites arriva un autre employé qui parut enchanté de la venue d’un surnuméraire, qui le déchargeait sans doute un peu du travail qui l’accablait. Il se mit à sa place et sembla travailler avec ardeur. Le vieux se nommait Serr, et il était sous-chef de bureau, mais c’était le dernier arrivé. M. Gignac, gros brun, prétentieux et beau parleur, qui donnait le ton, et recueillait des deux expéditionnaires, la considération due au sous-chef, auquel il n’en restait plus. Ce brave et digne homme méprisait ces jeunes gens auquel il servait de plastron, et ne paraissait pas s’apercevoir des sottes plaisanteries qu’ils lui faisaient. Ces Messieurs avaient trouvé joli de rechercher les mots dont la première syllabe avait la même consonnance que le nom du sous-chef. L’un commençait : Ser-pent, l’autre répondait : Ser-ment, le troisième ajoutait : Ser-gent, et cela continuait comme ça longtemps entre les trois complices : Serre-tête, Serre-file, Ser-pette, Ser-fouette, Ser-vante, Ser-vice, etc. Et ils imaginaient des farces bêtes dans le genre de celles-ci : M. Serr, sortant de