Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/104

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amoureux, et, dans l’air attiédi, flottaient ces parfums légers du printemps qui se dégagent de la terre échauffée par le soleil. De même que dans la nature s’éveillant à la vie après l’engourdissement hivernal, le jeune homme sentait en lui la sourde germination d’un sentiment nouveau. Bien des fois, cet hiver, tandis qu’à travers les vitres embuées il regardait la campagne, il avait aperçu mademoiselle Desvars traversant le jardin pour aller à l’atelier appeler son père à l’heure des repas, et peu à peu sa pensée s’était tournée vers elle avec un tendre intérêt. La jeune fille portait toujours sa petite robe noire, usée, qui ne devait guère la garder du froid ; aussi, pour sortir, jetait-elle un vieux châle sur sa tête et ses épaules.

« Elle n’a peut-être que celle-là ! » se disait-il parfois.

Et, en effet, on pouvait le croire, car, le dimanche, alors que les dames et les jeunes filles d’Auberoque étalaient leurs belles toilettes, c’est avec cette même robe qu’elle allait à la messe. Plusieurs fois, ces derniers temps, malgré la rigueur de la saison, M. Lefranc était descendu au jardin, pour avoir l’occasion de saluer mademoiselle Desvars et de revoir ses beaux yeux lumineux.

Elle répondait toujours modestement au salut du jeune homme et abaissait ses longs cils, comme pour ne pas attirer ses regards.