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Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/12

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l’employé des messageries avait allumé sa lampe. Des malles énormes d’autrefois, recouvertes de peau de truie, de grands sacs de nuit en tapisserie, de vieilles valises en cuir, des « panières » et des paquets de formes hétéroclites encombraient l’étroite pièce où attendaient aussi, affalés sur les banquettes rangées le long des murs, des colis humains. Il y avait là des campagnards assommés par le bruit de la ville et le papillotement des étalages contemplés curieusement au cours d’une longue journée de « trulle » à travers les rues pavées de silex pointus ; des petits marchands de village, venus aux emplettes ; des paysans revenant des plaids et portant sur leur figure terreuse la morne déconvenue du procès perdu, ou la joie sournoise de la cause gagnée. Entre les bagages, les paquets entassés, se tenaient parfois debout, piétinant sur place, des voyageurs impatients, qui tuaient le temps en regardant les affiches. C’était des fonctionnaires qui revenaient de faire leur versement, reconnaissables à la sacoche aplatie qu’ils portaient en bandoulière, des notaires sortant de la conservation des hypothèques, ou des maires en lévite venant de la préfecture. Une famille de petits bourgeois ruraux, venus pour acheter des vêtements de noces, était groupée près de la fenêtre, et l’on reconnaissait les « novis » en ce qu’ils s’entretenaient à voix basse, tête-à-tête, dans un coin. Devant la porte, un tout