Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nicipal. Mais depuis tantôt trois mois, il était absent pour le lancement de son vélocepède et ne donnait pas signe de vie, même à sa fille. Celle-ci avait ses appréhensions sur les affaires de son père en général, mais elle ne s’inquiétait pas particulièrement de ce silence, sachant combien facilement il se laissait absorber par ses inventions. Depuis que les beaux jours étaient revenus, dans le jardin abrité du vent, elle s’installait les après-midi près de la porte-fenêtre et raccommodait le linge de la maison. Ce n’était pas « de gloire », comme on dit à Auberoque, car les draps de lit usés à fond, retournés déjà, et les serviettes réduites à l’état de torchons nécessitaient de nombreuses reprises. Lorsqu’il l’apercevait ainsi, le receveur descendait les trois ou quatre marches qui, de son bureau, allaient au jardin, et, par-dessus le petit mur, s’entretenait avec sa voisine. Elle était toujours raisonnable et résignée, mais toujours triste aussi ; et même il semblait que quelque peine plus vive, que quelque ennui plus pressant, l’attristât davantage, M. Lefrancq se préoccupait de la situation singulière où elle se trouvait et parfois se demandait de quoi elle vivait : car, de supposer que l’inventeur toujours distrait y eût pourvu, cela ne se pouvait. Il devinait la gêne dans cette maison désertée par le père ; mais, de crainte de froisser la jeune fille, il n’osait offrir ses services.