Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/132

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chissait à ce qui venait de se passer. M. Lefrancq avait peut-être deviné l’embarras où elle se trouvait ? Et une sorte de honte la prenait, à cette supposition. Peut-être même avait-il déjà payé le loyer à son père… Oh ! alors, pourquoi ce mensonge obligeant ?… Et un sentiment de délicate pudeur lui faisait appréhender de revoir le jeune homme ; il lui semblait qu’elle mourrait de confusion à sa présence. Pourtant, au fond de son cœur, elle trouvait une grande douceur à cette idée qu’il s’était occupé d’elle, que sa sollicitude s’était éveillée sur sa situation étrange, sur son isolement… Mais, soudain après, en réfléchissant à la disparité de leurs conditions, sa fierté s’indignait à la supposition de ce que pouvait cacher cet intérêt qu’il lui témoignait…

Si elle avait pu lire dans la pensée du receveur, elle eût été pleinement rassurée. Pendant qu’elle s’inquiétait ainsi et cherchait à deviner la vérité, M. Lefrancq se complaisait en une pure satisfaction intérieure d’avoir pu lui rendre ce léger service. Mais au plaisir qu’il ressentait se mêlait une tendre pitié pour la pauvre enfant et une réelle inquiétude pour son avenir. Il voyait, ce qui n’était pas difficile à voir, M. Desvars absolument ruiné sous peu : que deviendrait-elle alors ? Et il s’abandonnait à la délectation de cette pensée d’une protection quasi fraternelle remplaçant celle d’un père