Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

En levant la boîte, le lendemain, mademoiselle de Caveyre remarqua cette lettre :

— Tiens ! est-ce que cette petite Michelette aurait quelque affaire de cœur ?

Et elle fourra la lettre dans sa poche.

Lorsque, hors de son bureau, elle put la lire, la directrice fut un peu étonnée de voir que l’anonyme la colloquait sans façon avec le receveur, et elle ne put s’empêcher de murmurer :

— Je voudrais que la coquine qui a écrit ça se fût cassé le cou et qu’elle eût dit vrai !

Après avoir achevé la lecture de cette ignoble lettre, mademoiselle de Caveyre resta perplexe, se demandant qui pouvait l’avoir écrite. C’était une femme, bien sûr, et une femme sans éducation, cela se voyait à de certaines phrases, et une femme éhontée, cela résultait des termes dont elle usait. La directrice passa mentalement en revue les femmes du bourg et ne savait à laquelle s’arrêter. Ce qui la déroutait, c’est que, — artifice prévoyant, — on eût dit cette lettre dictée par une jalousie féminine, circonstance qui empêchait sa pensée de se fixer sur la veuve Creyssieux.

« De qui qu’elle vienne, se dit-elle, ce serait un crime d’envoyer une pareille saleté à cette pauvre petite » ; et elle mit la lettre sous clef dans un tiroir.

Mais la curiosité la travaillait, et aussi un certain dé-