Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/295

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savez ? lui dit M. Pradelier, en venant à sa rencontre.

— C’est bien confirmé ?

— Oui, c’est officiel maintenant… Mais nous sommes prêts : dans un mois nous serons à Berlin.

M. Lefrancq hocha la tête dubitativement, sans rien dire, et ils allèrent déjeuner.

Après les premiers revers, accoururent effarés M. Duffart et madame Chaboin ; mais, un mois plus tard, à la nouvelle de la capitulation de Sedan, la châtelaine, ne se croyant plus en sûreté à Auberoque, s’enfuit en Angleterre. Dans le pays, c’était un aplatissement, un affaissement général dont le conseiller-inspecteur donnait le lamentable exemple. Lui-même et tous les notables du bourg s’étaient retournés comme des crêpes : après la chute de l’Empire, à les en croire, ils étaient tous républicains de l’avant-veille. Et patriotes, donc !… Il n’y avait qu’à voir l’ensemble avec lequel Exupère, John, Madaillac, Desguilhem et les autres « tiraient au renard » afin de ne pas partir.

Pour M. Lefrancq, ce lui était un supplice atroce que d’assister passivement à la ruine de son pays. Il souffrait cruellement d’être inactif, lui, jeune, robuste ; et toutes les funèbres nouvelles qu’apportait presque quotidiennement le courrier lui meurtrissaient le cœur. Devant l’immense désastre, son amour s’était élevé, ennobli. Le bonheur par la pos-