Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tête de linotte, s’engouant des sottises à la mode, adoptant toutes les idées absurdes qui courent le monde et copiant toutes les excentricités de mauvais goût. On l’a vue successivement racoler des fidèles à l’Armée du salut, recruter des pèlerins pour Lourdes, inaugurer la bicyclette sur les boulevards de Périgueux avec une culotte de zouave, faire de la propagande pour feu Boulanger dont elle était devenue amoureuse sur la foi des chromos, et enfin jargonner le volapuk…

— Ah bah !

— C’est ainsi, mon ami… Au surplus, si le personnel de la bourgade est passablement diminué, l’esprit y est toujours le même, égoïste, intéressé, étroit et mesquin…

— Et pourtant vous vous y êtes fixé ! dit M. Lefrancq.

— Oui, heureusement pour vous ! fit en riant M. Farguette : car, sans cela, qui vous aurait acheté votre maison ?… Je n’ai plus personne dans mon lieu natal, poursuivit-il ; autant mourir ici qu’ailleurs. J’étais tout porté, j’y suis resté. D’ailleurs, depuis que j’ai vendu ma pharmacie et que je n’ai plus de rapports obligés avec les naturels, ces braves gens n’existent plus pour moi. Je vis, à Auberoque, dans un isolement favorisé par la situation de mon habitation, et j’aime mieux cela que de demeurer à Charmiers, par exemple, et d’entendre nuit et jour