Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/340

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portionné à leur taille et tout le monde partit pour la vigne, y compris Cyprien et sa femme, réquisitionnés pour la circonstance, et puis la Minotte, qui menait une bourrique portant les provisions dans des « bastes » et tout un attirail d’affaires, par-dessus lesquels on assit la petite Sylvie, qui était « aux anges ». Et lorsqu’on fut rendu, chacun se mit au travail avec entrain. Michelette, abritée sous un grand chapeau de paille, coupait les grappes avec la femme de Cyprien, la Minotte et les enfants. Farguette et Lefrancq, en bras de chemise, travaillaient ferme aussi, faisant la cueillette et portant les paniers aux comportes, où Cyprien, armé d’une branche de châtaignier fourchue, « boulait », c’est-à-dire écrasait avec ardeur les raisins bien mûrs, qui faisaient un beau jus rose dans lequel pompaient les guêpes au corselet d’or.

— Voyez, monsieur Farguette, mon panier est tout plein : où je le verse ? demandait la petite en son langage enfantin.

— Là-bas, ma mignonne… Porte-le à Cyprien… C’est très bien, tu seras la mieux payée, car tu travailles plus que les autres tous…

Et, sur le coup de midi, quelle joie de dîner au grand air près de la maisonnette, à l’ombre d’un sorbier, la nappe étendue sur l’herbe et les vendangeurs petits et grands assis à terre, avec leur couteau de poche à la main. Et quel appétit ! comme le pain