Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/38

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M. Lefrancq s’empressa de laisser sa carte et sortit.

— Maintenant, dit son guide, c’est chez le greffier, monsieur Foussac.

Le greffier rentrait justement de la chasse, lorsque le receveur se présenta, en sorte que le malheureux dut subir le récit des péripéties de la journée et des prouesses de M. Foussac. Celui-ci ne fit grâce à son visiteur ni d’un arrêt de Diane, ni d’un coup de fusil, ni d’une pièce abattue. Il avait roulé un beau bouquin de huit livres, fait coup double sur deux bécasses et tué cinq perdreaux, gris, car il ne négligeait aucun détail. Mais son plus bel exploit du jour était une perdrix rouge tirée « au coup du roi » et qui était venue tomber juste à ses pieds, — pour un peu, il eût dit dans son carnier, — de telle manière qu’il n’avait eu qu’à se baisser pour la ramasser.

Ce grand gaillard sec et grisonnant parlait, parlait, enfilant les gasconnades, prodiguant les hâbleries, avec un laisser aller facile et verbeux. Et ce n’était pas seulement en matière de chasse qu’il était ainsi, mais en tout. Il fallait l’ouïr narrer au café ses aventures galantes : près de lui, Don Juan n’était qu’un amoureux transi. Il mentait d’ailleurs ingénument, sans malice, sans mauvaise intention, naturellement, comme un pommier porte des pommes. Il n’eût pas dit la vérité, même dans son