Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/53

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de finesse dans les traits et de distinction dans la physionomie. Ses cheveux abondants, d’un noir d’encre, relevés sur le front, lui donnaient un air décidé qui allait bien avec de grands yeux noirs, hardis et provocants. Un fin duvet ombrait sa lèvre et achevait de sensualiser sa bouche d’un rouge saignant. Sa figure brune, passionnée, portait déjà des traces de fatigue. La patte d’oie apparaissait légèrement à ses tempes ; son nez, d’un dessin royal, était piqué, à l’extrémité, de quelques rares petits points noirs, et ses paupières, trop souvent battues par l’aile du plaisir, en gardaient la meurtrissure bistrée. Malgré cela, elle était encore très désirable, et pouvait être citée comme une « crâne femelle », selon la locution usitée à Auberoque.

En entrant, vêtue d’une robe d’intérieur à grands ramages jaunes, mademoiselle de Caveyre donna au receveur une bonne poignée de main, sans cérémonie, comme une vieille camarade.

— Eh bien, monsieur, comment trouvez-vous le lieu de votre exil ? demanda-t-elle avec un sourire engageant.

— La première impression n’a pas été favorable, mademoiselle… Il est vrai qu’il pleuvait fort lorsque je suis arrivé ici, et la pluie ne dispose pas à l’indulgence.

— C’est vrai, je l’ai moi-même éprouvé : l’opinion qu’on se fait tout d’abord d’un pays, d’une lo-