Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/64

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Personne jamais n’oserait se mettre en avant pour défendre les intérêts de la communauté ; tous craignent de se compromettre, de se faire des ennemis. Chacun cherche à passer inaperçu en travaillant sournoisement à son avantage particulier. On dirait des poules sur lesquelles plane le milan. Il semble que ces tours crénelées et ce haut donjon, symboles et instruments de l’oppression féodale qui, pendant six cents ans, a écrasé leurs pères, pèsent encore de leur lourde masse sur les gens d’Auberoque.

— Je veux croire, dit M. Lefrancq, qu’Auberoque est une exception en Périgord !

— Oui, heureusement, une exception à peu près unique : presque partout on a pu s’affranchir ; ici, non. La dépression de caractère causée par la tyrannie seigneuriale est devenue héréditaire et n’a fait qu’empirer avec le temps. Cette dépression s’est encore aggravée, grâce à l’école des frères, fondée au xviiie siècle par un marquis d’Auberoque. Depuis une cinquantaine d’années, le vieux frère Auxilien a pétri trois générations et les a élevées dans le respect du clergé, des nobles, des grands, des gouvernants et des riches. Tous ceux-là, selon le frère, font partie d’un ordre social établi par la divine Providence : il n’y a qu’à se laisser conduire.

» Les femmes ont été élevées dans les mêmes principes par les sœurs de la Miséricorde, et sont