Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/71

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fut avec aisance qu’elle plaça son ouvrage sur une chaise en face de la sienne, où des vestes déchirées et des gilets sans boutons attendaient leur tour. Il lui semblait tout indiqué de faire ce travail de réparations qui dans les familles pauvres incombe aux femmes.

Devant la grâce simple et la dignité modeste de la jeune fille, le receveur éprouva une sensation de bien-être : cela le reposait des vaniteuses demoiselles Caumont et de l’anglomanie de mademoiselle Monturel.

— Je vois avec plaisir, mademoiselle, lui dit-il après les premières politesses, que vous ne dédaignez pas les vulgaires travaux des bonnes ménagères.

— Je n’ai pas le droit de les dédaigner, monsieur, en supposant que ce droit existe. Il est tout naturel que je raccommode les vêtements de mon père.

— Certainement, et je vous en loue ; malheureusement, beaucoup de jeunes filles ne pensent pas comme vous et ne s’occupent qu’à des travaux futiles.

— Parmi les jeunes filles riches, sans doute ; mais, parmi les paysans, les ouvriers, les artisans comme nous, cela est ordinaire. Pour moi, depuis la mort de ma mère, je fais seule ce travail, heureuse lorsque mon père me laisse le temps de me confectionner un col.