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les concurrents et leurs produits, en inventant la fameuse « Pétrocorienne », liqueur apéritive, stomachique et digestive, qui n’avait de rivale que l’excellente « Gauloise » ou « Chartreuse laïque ». Aussi était-ce une idée de génie que d’avoir réuni, dans une seule bouteille, tant de qualités qui, chez les autres liquoristes, en nécessitaient trois !

M. Pradelier, qui avait un riche appétit, tout en écoutant, ne perdait pas un coup de dent ; mais le voyageur mangeotait, « chafrouillait » les mets sur son assiette.

— Ça ne va pas, monsieur Lagardelle, cet appétit ?

— Non… Comment voulez-vous que j’aie faim ? Depuis le déjeuner, j’ai pris, outre le café aux trois couleurs, quatre ou cinq petits verres variés ; des chopes, je n’en sais pas le nombre ; des vermouths, et trois verres de « Pétrocorienne »… Et c’est tous les jours comme ça !

— Tout de même, repartit M. Pradelier, je vois que ça ne vous tue pas, car vous vous portez assez bien.

— Heu ! ça me tue lentement ; mais qu’y faire ? Pour vendre des liqueurs, il faut en boire ! c’est une nécessité du métier.

Après le dîner, M. Lagardelle voulut absolument offrir à ses commensaux un petit verre de l’incomparable « Pétrocorienne », qui fut dégustée avec at-