Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/94

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répulsion pour M. Reversac ; aussi le visiteur était à peine sorti que le jeune homme alla se laver les mains.


Pendant la journée, M. Lefrancq s’occupait de ses affaires du bureau, recevait le public et les officiers ministériels qui venaient acheter du papier timbré ou faire enregistrer des actes. Dans ses moments de loisir, il lisait, ou, prenant sa canne, allait faire une promenade aux environs. Il faisait bon marcher : le temps s’était mis au froid sec, la terre était gelée et, dans les prés grisâtres, l’herbe semblait desséchée. Au milieu des bois, de grands châtaigniers dressaient dans le ciel couleur de plomb leurs grosses branches, parfois brisées par le vent d’hiver, comme des membres mutilés. Les truffières de chênes dispersés aux feuilles rousses, avec çà et là des chênes verts en boqueteau, s’opposaient aux taillis de châtaigniers pour la « carassonne » qui, dépouillés, dévalaient le long des pentes en masses sombres. Sur les plateaux, entre les bois, s’étendaient des friches semées de lavandes et d’immortelles sauvages, ou des bruyères grises avec quelques pins épars semés par les oiseaux, qui s’égayaient par places de massifs d’ajoncs où persistaient des fleurs jaunes. Dans les clairières cultivées, à mi-côte ou à la cime d’une ondulation de terrain, les métairies isolées au milieu des terres jaunâtres et des vignes pierreuses fumaient