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VI


Comme bien on pense, la sortie de Damase de la maison du notaire fut un événement qui alimenta quelques jours les bavardages de la petite ville. La nouvelle en vint au pensionnat où Valérie l’accueillit avec plaisir. Il lui semblait que cette rupture du clerc avec son patron la remettait en possession d’un bien usurpé, et, dans ses conversations avec Liette, elle laissait percer sa satisfaction en en dissimulant, d’ailleurs, la cause. Quant à Damase, quoiqu’il regrettât beaucoup Mme  Boyssier et qu’il se souvint avec attendrissement de toutes les preuves d’amour et d’affection sincère qu’elle lui avait données, il éprouvait pourtant un plaisir viril à se sentir libre, entièrement libre, même, faut-il le dire, des liens si doux à porter de Mme  Boyssier : tant, chez certaines natures, la libre possession de soi-même, de ses actes, de sa volonté, est un besoin impérieux, qui, un instant étouffé par l’amour, reparaît bientôt. À l’égard du notaire, auquel il ne pouvait penser sans colère, Damase éprouvait une sorte de fierté mâle de n’être plus sous la sujétion de cet être vil qu’il méprisait. Il lui semblait que du jour de son départ, seulement, il était devenu un homme dans la pleine acception du mot.

La pauvre Mme  Boyssier, elle, se désolait tout naïvement de l’absence de Damase. Maintenant qu’il n’était plus là, son temps se passait à se remémorer son bonheur détruit et à rêver aux moyens de réin-