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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/115

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Mais elle ne savait trop comment réaliser ce désir, elle se sentait surveillée par la bonne société de Fontagnac qui épiait curieusement comment elle supportait les ennuis du veuvage, comme disait Mme Laugerie, ou de la viduité, comme disait l’ancien procureur du roi. Le départ prochain de Damase la fit passer par-dessus toutes les considérations de prudence, et elle jeta furtivement un soir, à la boîte, une lettre qui, flairée par Mme la directrice, fut tournée, retournée, et soupesée bien des fois avant d’être remise à destination. En ce temps, où les enveloppes gommées étaient inconnues, le large cachet de cire qui fermait la lettre défiait les indiscrétions d’un bureau de poste de petite ville. Il eût fallu les instruments spéciaux et la main pleine de dextérité des agents du cabinet noir pour violer son secret sans l’endommager. La directrice, n’osant supprimer la lettre, la remit au facteur, mais cela ne l’empêcha pas, en bonne commère, de faire des commentaires sur son contenu.

L’ancienne maison de Latheulade était située sur la rive gauche de la rivière, tandis que celle du notaire était sur la rive droite. Il s’ensuivait que Damase devait traverser le pont pour se rendre dans le jardin, sous la charmille où Mme Boyssier devait l’attendre. Mais le soir, dès après le couvre-feu, grâce aux bavardages de la directrice, le pont fut gardé par des promeneurs attardés qui finirent par se masser dans un tombereau laissé comme par hasard au coin du quai. Un de ces promeneurs était le capitaine Laugerie, à qui sa femme imposait cette faction ; et l’autre était un jeune clerc d’huissier dont elle avait entrepris l’éducation.

Fort heureusement, Damase, ayant éventé la ruse, tira de ce fait que l’élève de Mme Laugerie n’étant