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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/147

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quelles le commerce charnel, purement accessoire, est une souillure à laquelle il faut bien se prêter à cause de la grossièreté des hommes. Non, ce n’était pas un de ces tempéraments lymphatiques qui n’ont que des velléités et point de désirs ; des langueurs amoureuses et point de passions. La poésie des Méditations, encore en grande faveur n’était pas son fait. Faut-il le dire, elle ne comprenait pas ces épanchements lyriques, ces sentiments alambiqués, ces amours sentimentalement mystiques ; Lamartine l’ennuyait.

En un mot, ce n’était pas la froide Elvire soupirant après l’âme sœur de la sienne, mais la brûlante Sulamite cherchant le bien-aimé. Elle avait alors près de dix-neuf ans et sa beauté, bien caractérisée et débordante de vie, annonçait une nature impérieusement attirée vers le plaisir. La nuit, elle avait des insomnies, des rêves obsédants qui la troublaient profondément ; et, quelquefois, dans un demi-sommeil, elle étendait les bras comme pour saisir un amant qui revêtait la forme d’un beau et vaillant soldat.

Parfois, assise à l’ombre, sur la terrasse qui dominait la rivière, elle écoutait, bercée par le bruit des eaux et les chants alternés et monotones des moissonneurs qui venaient de la plaine, l’hymne enflammé qui chantait en elle. Des rougeurs subites lui montaient au front à la contemplation intérieure de l’image qui la hantait, à la caresse, douce comme un coup d’aile de colombe amoureuse, de pensées subitement surgies. Alors, elle se levait, prise d’un besoin d’agitation, avide d’air et de vitesse, faisait seller sa jument, partait seule et galopait jusqu’à la nuit par les bois et les landes, d’un train qui faisait dire aux paysans :