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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/190

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cien état de domesticité à Guersac : là-dessus, les inventions de toutes pièces abondaient. |

Dès le jour où la chose fut divulguée, les dames habituées du salon de Mme Decoureau s’étaient spontanément réunies et toutes parlaient à la fois.

— Mesdames, qui l’aurait cru ?

— Jamais elle ne l’avouera, disait l’une.

— Qui sait ? Peut-être elle l’épousera !

— Son ancien domestique !

— Elle est bien trop orgueilleuse pour cela !

— Ah ! on ne sait jamais !

— Oh ! Madame ! un enfant de l’hospice !

— Oui, mais si elle l’aime !

— Je ne dis pas, mais il y a des choses qu’on ne peut oublier.

— Peut-être ! il peut monter haut, devenir colonel, général, on a vu des exemples de ça.

— Jamais de la vie !

— Il sera capitaine, tout au plus.

— Murat avait bien été garçon d’écurie ; cela ne l’a pas empêché d’épouser une sœur de Napoléon.

— Mesdames, dit l’ancien régent qui avait accompagné sa femme, excusez-moi : le feu roi de Naples était le fils d’un aubergiste, et il a pu, dans sa première jeunesse, donner la botte au cheval d’un voyageur ; mais il n’était point garçon d’écurie… Après ses études, il a porté le petit collet, et il a même professé la sixième au collège de Toulouse…

— Quoi ! Monsieur Dutreuil, s’écrièrent toutes ces dames, que dites-vous ? Tout le monde sait que Murat a été garçon d’écurie !

— La Bastide n’est pas si loin d’ici !

— Je l’ai entendu dire cent fois à mon père !

— Les journaux l’ont assez répété !

— C’est un fait connu ! archiconnu !