Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



XI


Lorsque revint d’Hyères Mlle  de La Ralphie, depuis quelques mois la pauvre Liette s’en était allée au cimetière avec des couronnes blanches sur son cercueil. Dès le lendemain de son arrivée, Mme  Duperrier, la tante d’Amélie, fit remettre à Guersac, par le piéton, un paquet cacheté. Ce paquet contenait un petit cahier sur lequel la jeune morte avait couché ses pensées secrètes, quelque chose comme le journal de son cœur. Quoique Valérie ne fût pas très tendre, elle fut touchée néanmoins en lisant les confidences posthumes de sa défunte amie. La pauvre enfant n’avait pu se résoudre à emporter son secret dans la tombe et elle le confiait, sans s’en douter, à une rivale.

Cela datait de loin déjà. Dès avant la sortie du pensionnat, elle avait ressenti un tendre intérêt pour Damase. Mlle  de La Ralphie n’en fut pas surprise en se rappelant certains propos de la petite Beaufranc, et elle continua sa lecture. Liette racontait comment, devenue jeune fille, cet amour avait grandi et l’avait prise tout entière. Jour par jour, elle en consignait naïvement les progrès sur son petit cahier :

« Ce soir, j’ai pensé à lui en faisant ma prière. »

« Aujourd’hui, j’ai seize ans. À toute heure de la journée, il est présent à ma pensée et je m’endors en songeant à lui. »

Puis, pendant plusieurs années, la pauvre enfant avait noté de petits épisodes de ces innocentes amours cachées aux yeux de tous.