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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/199

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cières, et Anatole Decoureau appelait sarcastiquement l’enfant « le petit Dauphin ». Il était beau, d’ailleurs, ce petit Gérard, et, en dehors de toute préoccupation de race, bien fait pour flatter l’orgueil d’une mère. Lorsqu’on l’apportait à Fontagnac, quelquefois, les plus indifférents, en le voyant dans les bras de sa nourrice en coiffe arlésienne, ne pouvaient s’empêcher de dire : « Quel fier drôle ! » Ce qui, dans la langue du pays, équivaut à l’expression : « Quel superbe enfant ! »

Mais, de tous les habitants de Fontagnac, la personne qui l’admirait le plus, était Mme Boyssier. Pour elle, cet enfant c’était encore Damase ; peu lui importait qu’il fût le fruit d’un autre amour. Comme c’était le bonheur de celui que son cœur aimait toujours, qu’elle désirait, ses pensées se résolvaient en de mélancoliques renoncements.

La nécessité de signer des actes pour ses affaires ou de donner des quittances relatives à ses créances, amenait quelquefois Mlle de La Ralphie chez le notaire. Un jour, comme elle allait à l’étude, Mme Boyssier se trouva dans le corridor et lui demanda la permission d’embrasser le petit Gérard. Depuis que la femme du notaire, vieillie, n’était plus à craindre, la jalousie de Valérie avait disparu. Sur son assentiment, Mme Boyssier prit l’enfant aux bras de la nourrice et l’embrassa longuement, les yeux humides. Pendant que Valérie était à l’étude, elle amusa le petit, le promena par le salon, lui montra les vieilles gravures, les bergers du trumeau, le fit se mirer dans la glace et tapoter sur un vieux clavecin délaissé dans un coin. Lorsque Mlle de La Ralphie sortit, Mme Boyssier remit le petit à sa nourrice et dit à demi-voix à la mère :

— Vous êtes bien heureuse d’avoir un pareil enfant.