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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/261

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petite brise du nord qui balançait doucement les peupliers dans les prés, et « Kébir » s’en allait légèrement d’un pas cadencé, mordillant coquettement son mors et s’émouchant de sa longue queue.

Ses fermes résolutions, la fatigue de la veille, tout cela avait un peu écarté de la pensée de Valérie l’image de l’abbé Sagnol. Mais, en approchant du petit faubourg ou « barry » de la Béraudie, elle arrêta son cheval tout net : « si elle allait rencontrer l’abbé ? » Son hésitation fut courte ; elle se crut assez forte et continua son chemin. Dans les rues étroites, les pas de « Kébir » martelaient les pavés de silex et quelques petits marchands, debout à la coupée de leur boutique, lui tiraient leur casquette, par une prévoyante politesse mercantile. Sur le pont, un groupe de flâneurs, parmi lesquels, étaient le percepteur, M. Farnier, le capitaine Laugerie et l’austère M. Delfand, échangèrent des quolibets à son adresse en la voyant venir, mais, nonobstant, s’empressèrent de la saluer. Dans la grand’rue, Mlle de La Ralphie s’arrêta devant l’officine du pharmacien Renac, qui se précipita dehors, son bonnet grec à la main, obséquieux et interrogateur.

Ce qu’elle voulait ? De la pâte de jujube… pour deux sous.

M. Renac rentra dans sa boutique, revint avec un petit cornet, reçut un louis de vingt francs, alla chercher de la monnaie de retour qu’il remit à sa cliente en s’excusant fort d’être obligé de lui donner quarante centimes en sous.

— Oh ! cela m’est égal… merci bien.

Et ayant serré sa bourse, elle passa en se moquant intérieurement de l’empressement cafard du pharmacien ; l’un de ses plus enragés détracteurs.

Au tournant d’une rue, « Kébir » se trouva naseau