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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/263

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C’est là que l’abbé était venu lui faire sa première visite ; c’était dans ce fauteuil, en face d’elle, qu’il était assis… Et un frémissement la secoua au souvenir de la sensation qu’elle avait éprouvée en voyant cette langue de poils qui montait de sa poitrine et pointait sur son cou… Puis elle se dit : « S’il allait venir ? »

Elle se leva brusquement, descendit le large escalier de pierre, la jupe de son amazone relevée sur le bras, ferma la porte, se remit en selle en s’aidant de la pierre montoire, puis rapporta les clefs à la Faurille :

— Ce soir, vous fermerez, n’est-ce pas ? J’ai ouvert pour faire un peu prendre l’air.

— Oui bien, demoiselle, n’ayez crainte,

En passant devant le vieil hôtel de Brossac s’en revenant à Guersac, Valérie vit un cavalier en veste rouge soutachée qui s’approcha poliment et la salua : c’était Guy de Massaut, maréchal des logis aux spahis d’Oran.

Elle lui tendit la main cordialement :

— Je suis heureuse de vous revoir, vicomte !

Alors, il lui expliqua qu’il était en permission chez un sien cousin, d’où il était venu visiter ses parents de Fontagnac, et maintenant il s’en retournait. Comme il devait suivre le chemin de la Pouge, qui passe près de Guersac, M. de Massaut demanda la permission de l’accompagner.

— Mais très volontiers !

Valérie trouvait Guy très changé à son avantage. Sa figure, un peu poupine jadis, s’était virilisée, et une barbe en pointe l’allongeait. Le hâle lui seyait bien ; il portait avec aisance son uniforme élégant, et le métier militaire lui avait fait perdre ces affectations puériles, ces airs guindés des jeunes provinciaux du monde.