Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/40

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billard, restait dans l’ombre. Un papier fané partout et sale à la hauteur des tables, répétait à l’infini un motif grisaille représentant une bergerie d’Estelle et Némorin. Une lueur incertaine flottait sur ces figures rasées de bourgeois, hébétés par le maniement continuel des cartes. De temps en temps, un joueur attendant l’écart de son partenaire prenait son foulard et se mouchait bruyamment. Il régnait dans cette salle une atmosphère lourde, épaisse, saturée des odeurs du tabac à priser, de la fumée des quinquets, de celle de la pipe du capitaine, et viciée par le relent des émanations humaines dont elle s’était imprégnée depuis vingt ans.

Pour combattre ces miasmes, M. de La Ralphie tira un étui de sa poche, alluma un cigare et en offrit un à M. Rufin qui rôdait autour de lui. Celui-ci le prit sans cérémonie et accepta de même un verre de liqueur des îles. Ils causaient là de choses et d’autres, lorsque M. Boyssier, ayant achevé sa partie, vint se joindre à eux.

— On ne vous voit plus, lui dit M. de La Ralphie ; est-ce que vous auriez renoncé à ramasser des cailloux dans nos parages ?

— Que non pas ! répondit le notaire : un de ces jours, j’irai vous demander à déjeuner, si vous le voulez bien. On m’a signalé, dans les environs du Prieuré, une grotte où j’espère faire des trouvailles intéressantes.

— Quand vous voudrez, mon cher tabellion, vous serez le bienvenu.

— Et vous me prêterez Damase, n’est-ce pas ? Ce jeune garçon est plein d’intelligence ; il m’a été très utile, la dernière fois.

— Je vous prêterai Damase, et même Mantillou, si vous voulez.