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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/43

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pentait au-dessus de la ville jusqu’à des coteaux boisés dont elle baignait le pied. En aval, le pont était le trait d’union entre les deux parties de la ville, lieu de rencontre, sorte de place où se concentrait la vie publique, symbolisée par la mairie qui l’avoisinait.

C’est sur le pont que les oisifs, les « de loisir », comme on dit à Fontagnac, venaient de chaque rive prendre l’air le matin, promener leur ennui dans l’après-midi, et échanger en tout temps ces banales conversations, ces riens insipides qui sont la monnaie courante de gens qui, quoique n’ayant rien à se dire, se croient obligés, en toute politesse, de se parler lorsqu’ils se rencontrent. C’était encore là que les pêcheurs forcenés qui ne pouvaient, par état, s’éloigner, comme le receveur buraliste et le pharmacien, se tenaient en permanence, armés de longues gaules, et, penchés sur le parapet, surveillaient leur bouchon. Au moment où Valérie contemplait ce tableau, trois ou quatre flâneurs étaient là, les mains dans leurs poches, interrogeant le temps, la direction des nuages et regardant vers l’ouest d’où venait la pluie.

Au delà du pont, du côté du marchepied, la rive était bordée de jardins et de beaux arbres qui se. penchaient sur les eaux profondes, tandis que d’autres s’élevaient au flanc du coteau, ombrageant les maisons étagées qui grimpaient en désordre vers la cime. Ces maisons, pittoresquement plantées sur les rochers, montraient leurs balcons de bois noircis par le temps, leurs lourdes toitures de pierres grises et leurs pignons bizarres à croisées qui se dressaient dans le ciel obscurci.

Valérie regardait tristement tout cela, presque désenchantée de son voyage, lorsque son père vint la prendre pour faire au couvent leur première visite.