Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/59

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duction de Tacite par l’abbé de la Bletterie, Molière, Corneille, Racine, les Essais de Montaigne, avec la Servitude volontaire de La Boëtie, les œuvres de Boileau, l’Abrégé du président Hénault, l’Esprit des Lois et les Lettres Persanes, les Ruines de Volney, un Homère de Dacier, l’Histoire romaine de Rollin, et quelques autres ouvrages. Damase fut bientôt assez familier avec M. Branchu pour se faire prêter ces livres que personne ne lisait. Il les dévorait, mais souvent se désespérait de ne comprendre qu’imparfaitement beaucoup de choses. Il demandait des explications à M. Branchu, qui, très ferré sur le notariat, n’était guère versé dans la littérature et ne pouvait le satisfaire. Le vieux clerc, lui ayant, un jour, par manière d’essai, fait écrire quelques lignes, fut étonné de son écriture régulière, quoique inexpérimentée, et lui suggéra de prendre des leçons d’un vieux maître d’école qui faisait la classe le soir à quelques jeunes gens, à raison d’un écu de trois livres par mois. Après quelques hésitations, Damase s’adressa à Mme Boyssier, qui entra dans ses vues, le loua fort de son désir de s’instruire et en parla à son mari, alléguant les services qu’il pourrait rendre à l’étude plus tard. M. Boyssier acquiesça aisément à cet arrangement, et, dès ce moment, Damase alla prendre les leçons de M. Rolland, « maître ès arts », comme il se qualifiait.

La journée du jeune garçon se partageait entre ses occupations ordinaires et ses apparitions à l’étude, où M. Branchu songea bientôt à l’utiliser en lui faisant copier des rôles. C’était, pour cet orphelin, une vie très douce, sans soucis et sans sujétion pénible. Le notaire ne s’occupait de rien en dehors de ses affaires et de ses silex, et Mme Boyssier avait pour Damase une sollicitude quasi maternelle qui allait jusqu’à