Page:Eugène Le Roy - Nicette et Milou, 1901.djvu/229

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et regarde, immobile, l’occident rougi disparaître dans la nuit qui vient. Elle songe à ce qui s’est passé. Sans ce coup de fusil soudain, inattendu, elle se donnait dans un passager obscurcissement de sa raison. Maintenant elle sent son imprudence grande. Ce garçon, elle le connaît à peine ; un mois seulement il y a qu’il est à son service. En y réfléchissant bien, il lui semble que ce n’est pas là le serviteur discret qu’elle voudrait, reconnaissant de ses bonnes grâces, mais plutôt un faraud coq de village fort capable de s’aller vanter de ses faveurs… lentement, en pensant à cela, elle revient à la maison.

À souper, elle ne mange guère ; tout ça lui a coupé l’appétit : et puis, sa pensée y revient toujours. Tantôt, elle était irritée de ce contre-temps, et maintenant, elle s’en console presque, et se dit que c’était une folie de se donner ainsi à la légère. Sans renoncer aucunement à la passion qui la tient, elle se promet d’être plus prudente et d’éprouver ce que vaut ce grand drole qui lui tourneboule l’esprit et les sens.