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mœurs plus sanguinaires, il se produisit le phénomène tout opposé. Les hommes se mirent à préférer à leurs cousines du même village des femmes qu’ils avaient volées à leurs ennemis et qui étaient devenues leur propriété au même titre que les bœufs de leur part de butin. Ainsi, par la force brutale, s’établit le système de famille, qui, plus ou moins mitigé, est encore considéré aujourdhui en Europe comme le seul mode légitime de l’union de l’homme et de la femme, le système dit patriarcal, où le chef de la famille est l’ascendant masculin, où il n’y a de vrais parents que les parents paternels (agnati) et où les enfants appartiennent au père, non parce qu’il leur a donné naissance, mais parce qu’il est le propriétaire de la femme ; le vieus droit indou le dit très crûment : le maître de la vache est le maître du veau.

Tous les rites de mariage des peuples vivant sous le régime patriarcal s’expliquent par le fait qui a donné naissance à ce régime. À un certain moment du passé, nos ancêtres n’ont connu que le mariage par rapt. Un peu plus tard, un certain progrès de civilisation le rendit moins aisé. Pour éviter des représailles, on dut offrir des compensations. L’homme, au lieu de voler sa femme, fut réduit à l’acheter à celui à qui elle appartenait, père, grand’père ou oncle paternel. Les coutumes du mariage par rapt ne furent pas pour cela abandonnées. Elles subsistèrent à titre de formes vides de sens et nous en retrouvons encore des traces dans notre civilisation : le voyage de noces n’est pas autre chose qu’un enlèvement simulé. Enfin, un nouveau progrès se produisit ; le père rendit, comme cadeau d’entrée en ménage, comme dot, le pris offert par l’épous qu’il agréait et les coutumes du mariage par achat devinrent elles-mêmes de simples rites.

Une étude récente que j’ai faite de la question m’engage à conjecturer qu’à l’époque où les ancêtres communs de