Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/61

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lui fasse perdre aucun de ses attributs. L’âme se souvient ; elle aime. Réunie aux autres âmes de la maison, en attendant qu’elle réapparaisse sur la terre, elle plane avec elles au-dessus de la famille, souffre de ses douleurs, est heureuse de ses joies. Si on l’oublie, elle est triste ; elle se plaint, et ses plaintes sont des avertissements. Malheur à qui néglige son souvenir. Celui qui ne fait pas hommage à l’âme de son père ne saurait songer à la sienne ; et qu’on y pense bien, d’une âme que l’on cesse de cultiver, la justice disparaît. Sans justice pas de prospérité. Il ne faut pas oublier les âmes des ancêtres ; il ne faut pas qu’elles puissent être oubliées ; il ne faut pas que leur souvenir disparaisse ; et qui l’entretiendra si la famille vient à s’éteindre ? Le mariage est un devoir sacré, le premier de tous.

Ainsi, loin de river, comme on l’a dit souvent, les vivants aux morts, cette religion des ancêtres est, au contraire, la source même du progrès et son plus vif stimulant, puisque la préparation du futur en est l’obligation la plus immédiate. Le passé qui, entre nos mains, n’est plus ; le présent qui s’enfuit ; l’avenir qui n’est pas, unis ici dans la même pensée, deviennent la plus merveilleuse et la plus vivifiante des réalités. De quelque côté qu’il se tourne, l’homme entend la même instante et touchante — prière : Fais que notre mémoire ne meure pas ; fais que nous vivions un jour pour que nous puissions honorer ton âme, bénir ton souvenir. La tombe impose le berceau. De l’une et de l’autre s’élève vers la vie une invo-