Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/92

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présent que 6 à 8,000. Les quatorze autres provinces, avec la Mandchourie, en comptent à peine chacune quatre, cinq, six ou huit mille. Quant à la qualité de ces chrétiens, elle est encore plus contestable que leur quantité. « Tout le monde sait bien, me disait M. Delaplace, évêque de Ning-Po, comment les jésuites fabriquent leurs chrétiens. Ils vous les bâclent en quinze jours. Ils les confessent une fois, mais allez voir ensuite s’ils les rattrapent. Nous, monsieur, nous y mettons deux ans. » Mais quinze jours ou deux ans, on peut dire qu’ils n’en sont pas meilleur teint. Celui-là même qui se vantait de la longueur et de la sévérité des épreuves qu’il imposait à ses catéchumènes, me racontait un jour, plein d’indignation, un scandale qui venait de se produire dans sa chrétienté. Le plus ancien, le plus riche, et, jusque-là, le meilleur de ses chrétiens, venait de prendre une seconde femme du vivant de la première. Désespéré de n’avoir pas de fils de sa femme légitime, cet homme, frisant la soixantaine, avait résolu d’en avoir un, et aucune des considérations qu’on avait pu faire valoir à ses yeux, ni les flammes de l’enfer, ni l’excommunication majeure n’avaient eu raison de sa détermination. Damné ? Eh ! quelle plus terrible damnation que de mourir sans postérité, que de ne point renaître dans les siens, chez les siens, sur la terre ! « Puissiez-vous ne jamais renaître », c’est pour un Chinois la plus effrayante malédiction. Notre homme donc n’avait pas hésité. Entre les menaces