Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/23

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HÉKABÈ.

Or, n’agis-tu pas avec méchanceté en conseillant ceci, quand, ayant reçu de moi ce que tu avoues, tu me rends, autant que tu le peux, le mal pour le bien ? Oh ! que vous êtes une race ingrate, vous tous qui désirez les honneurs d’Agorètes populaires ! Que ne m’êtes-vous inconnus, vous qui vous souciez peu de blesser vos amis, pourvu que vous captiez par vos paroles la faveur de la multitude ! Mais, sous quel vain prétexte, ont-ils décrété le meurtre de cette enfant ? Quelle nécessité les pousse à égorger des êtres humains sur un tombeau, là où il convient d’égorger plutôt des bœufs ? Est-ce Akhilleus qui, à son tour, veut tuer ceux qui l’ont tué, et demande, au nom de la justice, le meurtre de celle-ci ? Mais elle ne lui a fait aucun mal. C’est Hélénè dont il devait vouloir l’égorgement sur son tombeau, car c’est elle qui l’a perdu en le menant à Troia. S’il faut qu’une captive meure qui soit belle entre toutes, cela ne nous concerne pas, car la Tyndaris est la première par la beauté, et elle n’a pas été moins funeste que nous. Je parle d’abord, combattant pour la justice, mais, d’autre part, écoute ce que tu dois me rendre, à moi qui te le redemande. Comme tu l’avoues, tu as, en te prosternant, touché ma main et ma vieille joue. À mon tour, je touche ta main et ta joue et te demande la grâce que je t’ai accordée alors, et je te supplie ! n’arrache pas mon enfant de mes mains ! ne la tuez pas ! C’est assez de ceux qui sont morts ! C’est par elle que je me réjouis encore et que j’oublie mes maux ! Elle est ma consolation, ma ville, ma nourrice, le bâton qui me sert à marcher ! Il ne faut pas que les puissants usent mal de leur puissance, ni que les heureux pensent qu’ils