Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/263

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MÈDÉIA.

Les malheurs me tiennent de tous côtés ! qui dira le contraire ? Mais les choses ne seront pas toujours telles ; ne le croyez pas encore. Il reste aux nouveaux mariés des combats à soutenir, et de grandes épreuves à leurs parents. Penses-tu que je l’eusse jamais interpellé de flatteuses paroles, si ce n’avait été pour quelque profit ou pour quelque embûche ? Je ne lui aurais parlé, ni ne l’aurais touché de mes mains. Mais il en est arrivé à ce point d’ineptie que, lorsqu’il lui était permis de renverser mes desseins en me chassant de cette terre, il m’accorde de rester un jour encore, et pendant lequel je ferai mourir trois de mes ennemis, le père, la jeune fille et mon mari. J’ai, pour ces morts, plusieurs voies à suivre, et je ne sais, amies, laquelle je prendrai d’abord. Ou j’incendierai la demeure nuptiale, ou, étant entrée secrètement sous le toit où est dressé le lit, je leur enfoncerai l’épée aiguë dans le foie. Mais une seule chose m’arrête : si je suis surprise entrant dans la demeure et préparant mon dessein, je mourrai en prêtant à rire à mes ennemis. Le meilleur est de suivre la voie dans laquelle je suis très habile et de les tuer par les poisons. Soit ! Les voici morts. Quelle cité me recevra ? Quel hôte m’offrira, pour me sauver, une terre sûre et une demeure fidèle ? Non ! J’attendrai encore un peu de temps, et si quelque refuge sûr s’offre à moi, j’entreprendrai ces meurtres par ruse et secrètement. Mais si une destinée inévitable me pousse, ayant saisi l’épée, et quand même je devrais mourir, je les tuerai et j’irai jusqu’à l’extrême violence de l’audace. Non ! par ma maîtresse Hékatè, que je révère le plus entre toutes et que j’ai choisie pour auxiliaire, et qui habite la